Revue de presse

Lakhdar Rekhroukh, PDG de Cosider : « Nous étions présents face au terrorisme, nous le serons encore face à la crise »

Le PDG de Cosider, Lakhdar Rekhroukh s’exprime dans cet entretien sur les effets de la crise pétrolière sur le secteur du BTP, l’internationalisation de son groupe, la dépénalisation de l’acte de gestion, le tronçon autoroutier de Lakhdaria..​.

Quels sont les résultats de Cosider en 2014 ?

Dans le BTP, nous ne parlons pas de chiffres d’affaires mais plutôt d’activité réalisée. Pour l’exercice 2014, notre activité se situe à près de 112 milliards de dinars.

Nous avons donc dépassé le milliard de dollars d’activité. Il faut savoir que notre activité a pratiquement doublé depuis 2011 (62 milliards de dinars) et notre objectif est d’atteindre 135 milliards en 2015.

En termes de résultats cumulés, nous avons réalisé un bénéfice de 21 milliards brut, soit 17 milliards en net. Enfin, nous avons une valeur ajoutée de 50%. C’est un ratio très performant pour le BTP, ce qui dénote d’un taux d’intégration important au niveau deCosider.

Cosider est un groupe multisectoriel. Quels sont vos principaux secteurs d’activité ?

Le groupe est composé de 8 filiales détenues à 100%, en plus d’autres parts minoritaires. Nos principaux secteurs d’activité sont le bâtiment (dont le logement), les infrastructures de transports (ferroviaire, aérogares…), l’énergie (transport des hydrocarbures), les travaux publics (routes, autoroutes, ouvrages d’art…) et l’hydraulique (barrages, transport de l’eau).

Quelles sont les perspectives et les projets phares de Cosider ?

Nous sommes actuellement en train de réaliser le dédoublement de la route nationale N°1 qui a vocation à devenir l’autoroute Nord-Sud. Nous aurons également un tronçon de 102 km sur l’autoroute des Hauts-Plateaux, entre Khenchela et Batna, voire celui de Mostaganem-Relizane.

Par ailleurs, nous allons bientôt introduire l’utilisation du tunnelier en Algérie pour la construction de l’extension du métro d’Alger entre El Harrach et Dar el Beida. Cela donnera des rendements très appréciables et ce sera une première en Algérie pour un tunnel de cette envergure.

Par ailleurs, nous mettons en place une école de formation pour tous les métiers des BTP, y compris pour le management.

Il y a des interrogations sur la qualité et les retards de certains projets. À quoi sont dus ces problèmes ?

Nous avons acquis beaucoup d’expérience, notamment grâce à des partenariats avec des entreprises étrangères. Dans le même temps, la concurrence a permis d’améliorer la qualité.

Regardez la RN1, j’ose dire qu’elle est parfaite. En fait, tout dépend de l’exigence du maître d’ouvrage. Une même entreprise peut parfois rendre des travaux de qualité différente selon le maître d’ouvrage.

La plupart des projets qui accusent du retard sont le plus souvent liés aux expropriations. Les négociations sont parfois longues et difficiles. Il y a également le problème des études mal réalisées, ce qui n’est pas de notre ressort.

Cosider a réalisé le premier tronçon de l’autoroute Est-Ouest de Lakhdaria vers Bouira, un point noir sur le tracé…

C’était en 1990, alors que le terrorisme faisait rage dans cette région. Nos conducteurs d’engins travaillaient avec des armes sur le dos. Et il faut savoir que le terrain est très difficile du point de vue géotechnique.

Aujourd’hui, Cosider est devenu un gage de qualité, notamment dans les logements AADL. D’ailleurs, voyez le terrible séisme de Boumerdès en 2003 : les constructions réalisées parCosider ont tenu, nous n’avons eu aucun incident sur nos constructions.

Qu’en est-il des Partenariats public-privé (PPP) ?

S’il s’agit de prise de participations communes (joint-venture), ce n’est pas notre priorité. En revanche, nous sommes pour la collaboration entre des entreprises publiques et privées. Nous le faisons déjà.

Par exemple, nous sommes le chef de file dans un groupement avec des entreprises privées pour la réalisation du dédoublement du tronçon routier Ain Oussera – Hassi Bahbah (peut-être jusqu’à Djelfa).

Nous entrainons ces entreprises et nous sommes responsables de la qualité, en tant que chef de file, donc nous veillons en faisant un autocontrôle permanent. Cela permet à ces entreprises d’intégrer un certain savoir-faire.

Pourriez-vous envisagez de la sous-traitance ?

De grands groupes étrangers fonctionnent largement sur ce modèle.Cosider a une autre logique. On sous-traite certaines activités dans le bâtiment.

Mais en réalité, il n’y a que très peu d’entreprises qui ont les compétences ou les capacités. Peut-être parce que ces créneaux ne sont pas assez rémunérateurs. Moins que l’import-import par exemple…

L’Algérie traverse une crise liée à la chute des prix du pétrole. Les restrictions budgétaires affectent-elles le groupe ?

Cosider a un plan de charge qui nous couvre pour 3 années. Mais au-delà, il y a un risque que les pouvoirs publics revoient certains investissements dans les infrastructures. Cependant, il y a des créneaux où nous sommes les seuls à s’activer, ce qui nous donne une certaine sérénité.

Plus globalement, les pouvoirs publics doivent adapter leurs plans. Afin de limiter les importations, notamment la facture des services, l’État peut revenir vers les entreprises nationales.

Dans tous les cas, nous avons fait face au terrorisme en poursuivant notre travail dans les années 1990, nous serons là encore pour faire face à la crise.

Justement, n’êtes-vous pas trop dépendants de la commande publique ?

L’avantage que nous avons est que nous ne sommes pas dépendant d’un seul secteur. Par exemple, si le bâtiment connait une baisse d’activité, on peut la compenser avec un autre domaine d’activité.

Autrement, l’activité du groupe Cosider avait été recentrée vers son activité de base qui est le BTPH. Mais nous pensons à reprendre notre activité agricole. C’est une activité sûre et permettra d’atténuer cette dépendance.

Pensez-vous à une internationalisation de vos activités ?

On s’y prépare en effet. Il faut développer et tenter cette expérience pour décrocher des marchés à l’international. Nous avons une expertise dans certains domaines. Par exemple, nous sommes les leaders mondiaux et parmi les seules entreprises dans les conduites de 48 pouces de diamètre. De plus, en termes de gestion de projets, Cosider n’a rien à envier aux entreprises étrangères.

Cela dit, cette volonté d’internationalisation devrait être un projet national et pas seulement au niveau de l’entreprise. Il faut mettre en place les conditions pour la réussite et la concrétisation de cette volonté : il faut des circuits bancaires adaptés, une facilitation de la circulation des personnes, le rôle des représentations diplomatiques, etc.

C’est déjà relativement difficile d’exporter des produits finis, ça l’est encore plus pour des services comme les BTP.

Où en est l’introduction en Bourse de la filiale carrière de Cosider ? Est-ce toujours d’actualité ?

Oui ! C’est en cours d’évaluation. Les pouvoirs publics ont décidé d’introduire un certain nombre d’entités économiques publiques, après avoir identifié des entreprises performantes. C’est notre filiale de fabrication d’agrégats (carrière) qui a été choisie.

Nous avons désigné un accompagnateur pour l’introduction en bourse : ce sera la Banque extérieure d’Algérie (BEA).

Le gendarme de la Bourse (Cosob) a estimé que les entreprises publiques n’étaient pas prêtes, car gérées comme des administrations. Que lui répondez-vous ?

La décision [d’introduction en Bourse, ndlr] a été prise en haut lieu, par le Conseil des participations de l’État (CPE). Pourquoi vouloir la discuter ? Cela participe à la volonté de dynamiser le marché de la Bourse.

Que pensez-vous de la dépénalisation de l’acte de gestion ?

Il y a une prise de conscience des pouvoirs publics sur ce plan. C’est au programme et on l’attend. L’amendement du Code des marchés publics de 2013 est déjà une avancée. Après tout, on gère des deniers publics, on doit être prudent. Il y a des procédures similaires à l’étranger. C’est une contrainte, mais en même temps, une protection.

Par contre, la dépénalisation permettrait d’avoir moins de pression et plus de liberté d’initiative car on ressent tout de même le stress à chaque fois que l’on doit prendre une décision.

Justement, les entreprises publiques sont-elles sous tutelle ? Recevez-vous des « injonctions » ?

On n’a pas carte-blanche, du moment qu’il s’agit de deniers publics. Mais, il n’y pas de contraintes dans la gestion courante.  Je ne ressens pas cette pression. Il y a une certaine culture d’entreprise à Cosider, on n’est pas gêné.

Nous avons des organes de gestion, on demande l’accord du CPE quand il faut mais autrement, on a une certaine liberté de mouvement, balisée.

TSA